Géophagie

P.R. mars 2008

Hans Wagenaar

Traduction: William Vanbeginne

La plupart des lecteurs de cet article ont déjà eu sous les yeux ces fantastiques photos sur lesquelles on voit un grand nombre de perroquets tout colorés qui profitent des falaises d’argile.  Quelques chanceux ont même pu profiter de ce spectacle de leurs propres yeux.  Le phénomène géophagie ou la consommation de terre, a lieu sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique et se rencontre chez beaucoup de sortes d’animaux.  Il y a de plus en plus de recherches qui ont lieu concernant la géophagie chez les psittacidés.  Il y a cependant concernant ce sujet encore beaucoup de questions et à l’aide de cet article.  Sur certains points des recherches complémentaires vont être nécessaires pour pouvoir renforcer des thèses théoriques de manière scientifique.

“Voulez-vous peut-être manger un bon petit morceau de terre”?  Vu sur un plan purement humain, on va en règle générale bien réfléchir avant de répondre de manière enthousiaste “Oh Oui, merci!”.

Lorsque cette question est posée par exemple aux femmes zambiennes enceintes, alors il semble que 90% de ces dames apprécient vraiment beaucoup un peu de termitière comme friandise.  En Amérique du Sud, certaines tribus indiennes mangent certaines pommes de terre sauvages, amères et empoisonnées en combinaison avec une sorte d’argile bien spécifique.  Cette argile veille qu’ils n’aient pas de maux de ventre provenant des pommes de terre.  Chez beaucoup de sortes de primates et d’ongulés, il est connu qu’ils mangent certaines sortes d’argiles spéciales et ceci souvent en relation avec une période bien précise de l’année.  Chez les psittacidés aussi c’est connu qu’ils vont manger de l’argile à des endroits bien précis.

Je vous parle des Aras et des Amazones qui vont visiter ces falaises d’argiles en quantités spectaculaires et les nombreuses espèces plus petites dont les Pionus, Aratingas, Pyrrhuras, Brotogeris et Forpus qui vont visiter régulièrement les falaises ou terrains argileux dans leur territoire.  J’ai un jour eu l’occasion de voir des prises de vues en Afrique ou l’on voyait d’énormes groupes de gris du Gabon qui se jetaient littéralement sur un point d’eau asséché et des closes up montraient des images des gris du Gabon avec leurs becs pleins d’argile.  Des situations identiques sont aussi connues chez les Cacatoès Rosalbins en Australie

Des rapports d’observations concernant la géophagie nous montrent quelques points remarquables

  1. Alors que près de certaines falaises d’argiles il y a toute l’année beaucoup de perroquets, ces falaises sont visitées uniquement pendant la saison sèche.  La cause du besoin en argile a donc aussi une base reliée aux saisons.
  2. Les falaises sont approchées en général ouvertement et pas précisément circonspect.

Les oiseaux se rassemblent haut dans les arbres, dans les environs d’une falaise pour arriver parfois à plusieurs centaines d’exemplaires et ensuite, probablement après un signal donné, la falaise est attaquée par toute la bande.

Les oiseaux volent alors directement sur les falaises d’argiles ouvertes et non plantées où il n’y a aucune couverture!

  • D’équerre sur la témérité reprise ci-dessus, il y a l’attention plus que particulière que les oiseaux pratiquent chez les barreiros.

Il s’agit des niches profondément évidées par l’utilisation pendant des années.  D’éventuels prédateurs pourraient employer les niches comme une sorte de cage pour les attraper.  De plus des problèmes de rangs pourraient apparaître quand des oiseaux de rangs inférieurs ne savent pas se ranger (assez vite)

  • Pendant la période que les falaises sont visitées intensivement, il semble qu’une certaine structure semble exister au niveau de quelle espèce va visiter la falaise à quel moment de la journée.  Il est possible de régler en grande partie sa montre sur ces changements.
  • Les falaises d’argiles ne sont pas ou presque pas visitées lors d’averses importantes.  Ceci pourrait avoir affaire avec le bruit que font les gouttes de pluie qui tombent sur la végétation et qui donnerait aux prédateurs une chance d’approcher plus facilement de leurs proies.  Personnellement je mets en doute cette théorie car les perroquets pendant leur cession sur ces falaises font eux même un son assourdissant.  Il faut bien dire que cette multitude de petits yeux donne peu de chances à un éventuel prédateur de s’approcher des falaises.

Pourquoi la géophagie existe, est un sujet jusqu’à présent fortement discuté et dont les savants pour le moment ne sont pas d’accord entre eux.  Supposant qu’il y a encore beaucoup de recherche à faire sur le terrain, il est fort improbable que pour autant de sortes d’animaux, la même explication écologique soit valable pour la géophagie.

En d’autres mots: il est certainement possible qu’une espèce animale a d’autres mobiles pour manger de la terre qu’une autre espèce animale.  Lorsqu’on approfondit un peu dans les matériaux disponibles, il semble que le pourcentage énorme d’espèces animales où l’on a remarqué la géophagie est herbivore.  De même chez les omnivores l’on a remarqué de la géophagie, mais elle est quasiment inexistante chez les carnivores.  L’un et l’autre nous montrent donc, en association avec le caractère lié aux saisons, qu’il existe un lien possible avec les plantes.  Lorsque nous allons analyser chaque thèse vis à vis de nos psittacidés, une seule explication acceptable reste pour expliquer le fait que les perroquets mangent de la terre

Les explications générales les plus débattues scientifiquement pour la géophagie sont :

1.      La géophagie calme la faim pendant la disette

2.      La géophagie pourvoie le besoin de silex pour l’estomac et de grit pour moudre les aliments

3.      La géophagie sert comme moyen pour prévenir la diarrhée

4.      La géophagie pourvoie le besoin en minéraux comme suppléments dans la nourriture

5.      La géophagie sert à recueillir et à neutraliser les acides superflus de l’estomac

6.      La géophagie sert à neutraliser les  matériaux vénéneux

  1. Surtout à la fin de longues périodes de sécheresse, les ongulés africains, par exemple, sont apathiques en attendant la prochaine saison de pluie.  Ils mâchent quelques végétations asséchées et mangent à certains endroits de la terre.  Si la raison de cette dernière est réellement calmer la faim, je considère cette thèse au minimum comme douteuse.  Il est plus acceptable que pendant la disette, la prise de nourriture est moins spécialisée et de ce fait d’autres aliments sont ingérés qui normalement ne sont pas le cas.  Concernant le fait de calmer la faim chez les perroquets, cette thèse peut rapidement être écartée.  De nombreuses observations de perroquets, qui vont directement de leurs lieux de nourrissage à ces falaises d’argiles et ensuite y retournent, affaiblissent cette thèse.

2.    Suite à des recherches concernant le comportement des perroquets pendant leur passage à ces falaises d’argile, il semble que les oiseaux ne mangent qu’une couche bien spécifique de terre. Parfois elle n’a qu’une épaisseur de 10 à 15 cm et ils ne touchent pas aux couches en-dessous ou au-dessus.  Lorsque ces échantillons de terre bien spécifiques sont analysés, il semble que la composition soit tellement fine de structure que l’emploi de cette terre comme grit ne sera vraiment que très peu ou pas efficace.  L’absorption de grit devra donc avoir lieu à un autre endroit.

3.    Cette déclaration tire sa source de recherches faites chez les primates.  Certaines bactéries ou parasites libèrent des matières vénéneuses qui provoquent de la diarrhée.  Le fait de manger de l’argile riche en minéraux, absorbe ou isole les bactéries et les matières vénéneuses parasitaires.  Les chercheurs ont vu entre autre des chimpanzés sauvages pouvoir stopper de cette manière et avec succès leur diarrhée.  Pendant les observations de perroquets sauvages, durant leurs visites aux falaises d’argiles, on n’a pu déceler à ce jour aucun signe de diarrhée chez les oiseaux.

4.    Une des explications la plus citée pour la géophagie est le besoin en minéraux comme supplément à leur nourriture.  Il existe différentes preuves très convaincantes qui démontrent que dans certains cas (entre autre chez les ongulés et aussi chez l’homme) ce serait l’explication exacte.

Des recherches scientifiques nous montrent que les animaux savent reconnaître différents minéraux imbibés dans des échantillons de terre et aussi les choisir suivant leur nécessité.

Retournons à nos perroquets sauvages.  Le taux de minéraux d’échantillons de terre spécifiques est inférieur au taux de minéraux dans les fruits où les oiseaux vont se nourrir !!!  Le taux de natrium dans les échantillons de terre était même plus bas que celui des conduites d’eau.

Le taux de minéraux dans les échantillons de terre bien spécifique n’était pas plus haut que celui dans d’autres couches de terre.  Pour cette raison, il est particulièrement invraisemblable que les perroquets s’en nourrissent pour augmenter leurs suppléments en minéraux.  Des recherches futures devront nous montrer si les perroquets vont visiter à cet effet d’autres endroits bien spécifiques dans leur habitat.

5.    L’absorption et la neutralisation d’acides de l’estomac sont certainement d’application pour les ongulés mangeant beaucoup de sortes de plantes.  Ils préviennent de cette manière le trop plein d’acide d’estomac qui tue les bactéries utiles pour la digestion.  En ce qui concerne les perroquets, ceci ne fonctionne pas puisqu’ils n’ont pas besoin de bactéries pour la digestion.  Le pouvoir constaté (buffer) des échantillons de couches de terres spécifiques apparaît d’ailleurs nihil.

6.    La neutralisation des particules vénéneuses qui sont arrivées dans le corps lors de l’absorption de nourriture.  Pour pouvoir clarifier à ce point cette histoire, je vais devoir faire un détour vers le monde des plantes.  Les plantes produisent en général des graines pour pouvoir se reproduire.  La plupart des plantes utilisent les animaux pour la dispersion de leurs graines.  Beaucoup de sortes de graines sont pour cette raison emballées dans des fruits appétissants.  Les animaux mangent les fruits et veillent à ce que les graines terminent à un autre endroit.  Il est important pour la plante que les graines quittent la plante mère au moment exact, lorsqu’elles sont mûres et qu’elles sont capables, sous  les circonstances correctes de germer.  Pour éviter que les graines soient “récoltées” trop tôt, les plantes défendent leurs graines en donnant un mauvais goût (souvent amer) aux fruits qui ne sont pas encore mûr ou aux graines même et souvent en les prévoyant de matières vénéneuses.  Dans la lutte féroce de la survie, l’espèce avec les plus grandes capacités d’adaptation a le plus de chances de survivre.  En d’autres mots, l’espèce animale qui arrive à pouvoir manger les fruits et les graines qui ne sont pas mûrs bat de cette manière les espèces animales qui doivent attendre que les fruits soient mûrs.  En même temps, ici, la plante est aussi battue, car les graines qui ne sont pas mûres et qui ne sont pas digérées ne vont pas non plus germer.  Les perroquets sont arrivés quelque part dans leur évolution à pouvoir se spécialiser à manger des fruits et des graines qui ne sont pas mûrs, malgré la concentration parfois haute, et parfois mortelle pour l’homme de matières vénéneuses !!!

Les perroquets mangent des fruits qui ne sont pas mangés par d’autres animaux (primates et aussi humains).  Qu’ils ne vont pas périr par les matières vénéneuses semble, suite à des études, provenir des échantillons des couches de terres spécifiques.  Celles-ci contiennent des matières actives qui se lient particulièrement bien aux matières vénéneuses végétales et plus particulièrement aux toxines alcaloïdes.  Ce sont les mêmes matières d’ailleurs qui se lient aux toxines parasitaires et bactéries reprisent sous le point 3.  Je ne vais pas vous fatiguer avec des formules de chimie, mais il est intéressant de dire qu’en comparaison avec les échantillons de terre des différentes couches des falaises d’argile, les échantillons de couches de terres spécifiques contiennent environ 50 % de plus de ces matières liantes.

C’est uniquement avec cela que la couche de terre recherchée par les perroquets se différencie des autres couches de terre de même qu’une structure un peu plus dure.

De quelle manière les premiers perroquets ont été capables de trouver les anticorps corrects et à des endroits très spécifiques, reste une question encore très intéressante.

Il y a, à n’importe quel moment dans l’évolution, une base possible  expérimentale.  Quelque chose dans le genre de celui qui mange à un certain endroit de cette terre n’aura pas de mal au ventre ou ne mourra pas des matières vénéneuses qu’il a ingéré plutôt.  Au fil des siècles, la géophagie s’est emmagasinée dans les gènes et est devenue un comportement instinctif.

Une autre possibilité est le fait que les matières nécessaires se retrouvent dans les couches les plus dures et que les oiseaux ne doivent juste travailler que les couches les plus dures et ensuite ils n’ont qu’à en prendre suivant leur propre nécessité.

Les générations actuelles de perroquets vont probablement, à l’aide d’un enseignement intuitif des oiseaux plus anciens ou de la structure sociale du groupe, recevoir les informations autour de ce que nous appelons la géophagie

Ecologie :              la science de l’interaction de tous les organismes avec leur environnement.

Herbivore :            vit de nourriture végétale

Omnivore :            vit de nourriture végétale et animale.

Carnivore :            vit de nourriture animale.

Falaise d’argile :   Clay lick = endroit spécifique dans un territoire où de la terre est mangée

(NDLR : dans le texte d’origine, le mot Clay lick était employé et je l’ai traduit par falaises d’argile.  Ceci suite aux photos que tout le monde connaît de tous ces perroquets qui se nourrissent d’argile)

Littérature consultée:

Parrots of the World, Forshaw  /  Papegaaien hun leven in vrijheid, Arndt  /  Feeding Strategy, Owen  /  A guide to the parrots of the world, Juniper/Parr  /  Biochemical functions of geophagy in parrots, Gilardi  /  Eat dirt, Diamond  /  Why do parrots eat dirt, Brightsmith

Photos provenant d’Internet

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